Tous ceux qui n'ont pas réussi leur vie, saison après
saison,
Ils se survivent et dérivent entre deux rives, entre deux
bords,
Entre deux eaux, entre deux ports
Où jamais ils n'accosteront
Leurs rêves les suivent de loin ou les précèdent
quelquefois,
Comme les enfants des forains et comme eux, d'errance en
errance
Et de rencontre en espérance,
Au bout de la route, ils se noient
Tous ceux qui n'ont pas rencontré le moindre tout petit
amour,
Histoire de se réchauffer un coeur plus gelé que l'hiver,
Brûlent leurs vaisseaux sur la mer
Et prennent la nuit pour le jour
Tous ces voyageurs solitaires, sans racines d'aucune sorte,
N'ont d'autre lueur familière que celle qui brûle aux
fenêtres
De quelque étranger qui, peut-être,
Pour un soir entrouvre sa porte
Tous ceux qui traînent à l'envers une enfance à jamais
perdue
Donnent parfois le change et, l'air heureux, disent à tous
les vents
Que le bonheur, c'est leur argent,
Eux-mêmes ne le savent plus
Ceux qui n'ont pas aimé leur vie mais pleurent pour une
chanson,
Ils se survivent et dérivent entre deux rives, entre deux
bords,
Entre deux eaux, entre deux ports
Où jamais ils n'accosteront.