Pour me rendre à mon bureau
J'avais acheté une auto
Une jolie traction avant
Qui filait comme le vent
C'était en juillet 39
Je me gonflais comme un boeuf
Dans ma fierté de bourgeois
De rentrer si vite chez moi
Mais vint septembre
Et je pars pour la guerre
Huit mois plus tard
En revenant
Réquisition de ma onze chevaux légère
Se faire "verboten" provisoirement
Pour me rendre à mon bureau
Alors je achète une moto
Un joli vélomoteur
Faisant du 40 à l'heure
A cheval sur mon teuf-teuf
Je me gonflais comme un boeuf
Dans ma fierté de bourgeois
De rentrer si vite chez moi
Elle ne consommait presque pas d'essence
Mais presque pas
C'est encore trop
Voila qu'on me retire ma licence
J'ai dû revendre ma moto
Pour me rendre à mon bureau
Alors j'achète un vélo
Un très joli tout nickelé
Avec une chaîne et deux clés
Monté sur des pneus tout neuf
Je me gonflais comme un boeuf
Dans ma fierté de bourgeois
D'avoir un vélo à moi
J'en eu coup sur coup une douzaine
On me les volait périodiquement
Comme chacun d'eux valait le prix d'une Citroën
Je fut ruiné très rapidement
Pour me rendre à mon bureau
Alors j'ai pris le métro
Ça ne coûte pas très cher
Et il y fait chaud l'hiver
Alma Yéna et Marboeuf
Je me gonflais comme un boeuf
Dans ma fierté de bourgeois
De rentrer si vite chez moi
Hélas par économie de lumière
On a fermé bien des stations
Et puis ce fut, ce fut la ligne toute entière
Qu'on supprima sans rémission
Pour me rendre à mon bureau
J'ai mis deux bons godillots
Et j'ai fait quatre fois par jour
Le trajet à pieds aller-retour
Les Tuileries, le Pont Neuf
Je me gonflais comme un boeuf
Fier de souffrir de mes cors
Pour un si joli décor
Hélas bientôt je n'aurai plus de godasses
Le cordonnier ne resemelle plus
Mais mon âme prudente et perspicace
Pour l'avenir j'ai tout prévu
Je vais apprendre demain
A me tenir sur les mains
J'irai pas très vite bien sûr
Mais je n'userai plus de chaussures
Je verrai le monde de bas en haut
C'est peut-être plus rigolo
J'y perdrai rien par surcroit
Il est pas drôle à l'endroit